La dépression : quand ton rôle devient ta prison
La dépression, ce n’est pas seulement de la tristesse.
C’est parfois… un repos.
Un énorme repos, quand tu as joué un rôle trop longtemps.
Je suis tombé récemment sur une vidéo de Jim Carrey.
Il expliquait qu’il avait sombré dans la dépression parce qu’il avait passé sa vie à jouer des rôles.
On pourrait croire qu’en dehors des plateaux, il redevenait lui-même.
Mais non.
Quand il n’était pas Ace Ventura ou Stanley Ipkiss, il jouait… Jim Carrey.
Et là, ça m’a frappé. Parce que moi aussi, je ne suis pas moi.
Le cauchemar récurrent
Un couloir sombre.
Des portes entrouvertes. Une lumière trop faible pour éclairer autre chose que la poussière dans l’air.
Je marche. Le temps s’étire.
J’ouvre une porte. Une pièce vide. De hautes fenêtres. Et au fond, un miroir.
Mon reflet change. Un enfant apparaît : moi, entre 8 et 10 ans.
Il me demande sans cesse : « Qui es-tu ? »
Je réponds. Il hurle. Il refuse de me croire. Et sort du miroir.
Cette fois, ce n’est plus l’enfant.
C’est mon moi adulte, face à moi.
Il me saisit, me fixe et crie :
— Tu n’es pas toi !
Il me jette au sol.
Je me réveille en sursaut.
Encore ce cauchemar. Toujours le même.
Prisonnier du regard des autres
On a déjà parlé de cette fichue validation externe.
Ce besoin constant d’aller chercher dans le regard des autres la preuve qu’on existe.
Mais comment être soi-même si on vit à travers eux ? C’est impossible.
Et pourtant, je me répète : je suis moi. Pas ce que les autres attendent de moi.
Mais mon esprit m’a piégé.
À force de vouloir correspondre, je me suis transformé en quelqu’un d’autre.
Chaque matin, je rejoue le même rôle. Les mêmes gestes. Les mêmes phrases.
Pas parce qu’ils me représentent. Parce qu’à force de jouer, tu finis par croire que c’est toi.

Mais qui suis-je ?
Jim Carrey disait avoir sombré parce qu’il jouait des rôles.
Moi aussi, je suis un rôle.
Et même si j’en suis conscient, je n’arrive pas à changer.
Parce que je ne sais pas qui je suis.
Alors quoi ? Tout est faux ? Ou seulement une partie ?
Comment savoir ce qui est authentique et ce qui est masque ?
Quand tu joues trop longtemps, la frontière disparaît.
Et retrouver son vrai visage devient presque impossible.
Identité par procuration
Adolescent geek et renfermé, à une époque où ça ne pardonnait pas, j’ai vite compris que je ne pouvais pas être moi-même.
Alors j’ai copié. Les autres. Les héros de séries.
Et j’ai caché mes passions.
Mon père était absent, trop occupé par son travail de nuit, la pêche et la chasse.
Alors mon modèle masculin, je l’ai trouvé à la télé.
MacGyver, Sam Beckett (Code Quantum), puis Chandler dans Friends (Matthew Perry, tu me manques…).
C’est sur eux que j’ai bâti ma personnalité.

La voix intérieure
Me concentrer est compliqué.
Je n’ai pas fait de test officiel, mais je sais qu’il y a sûrement un TDAH derrière tout ça.
Chez moi, l’hyperactivité est surtout dans le cerveau.
Parfois, j’entends plusieurs voix.
Pas de schizophrénie, pas de cinéma.
Juste mes pensées qui s’affrontent.
Mon moi adulte contre mon moi enfant.
Résultat : je ne montre pas mon vrai moi.
Je me cache derrière des automatismes.
Un personnage lisse, neutre, gentil, disponible… tellement transparent qu’on finit par m’oublier.
Spectateur de soi-même
Les automatismes, c’est utile. Ça soulage l’esprit.
Mais quand ça prend toute la place, ça devient une prison.
Tu regardes ton esprit conduire à ta place, et toi, tu es juste passager.
Pas simple.
Alors, je m’en veux.
Parce que oui, ce sont des automatismes. Mais ce sont les miens.
Et même si culpabiliser ne sert à rien, je sais que le seul qui peut changer les choses, c’est moi.
Mais changer quoi ?
Des habitudes de trente ans ? Bonne chance.
Il faut deux à trois mois pour en modifier une. Parfois 200 jours.
Et encore… seulement si tu répètes l’effort tous les jours.
Clairement pas gagné.
Le pas vers l’inconnu
Alors je fais quoi ?
Et toi, si tu es comme moi, tu fais quoi ?
Une chose est sûre : la dépression n’est pas une option.
Ce n’est pas un choix.
Et ça ne passe pas tout seul.
Peut-être que le premier pas, c’est de ne plus avoir honte.
De mes passions. De mes idées. De ce que j’aime.
Je suis créatif. Mon esprit ne s’arrête jamais.
Alors pourquoi ne pas simplement créer ?
Sans honte. Sans peur du regard des autres.
Peut-être qu’un jour, dans une de mes créations, je pourrai dire enfin :
« Ça, c’est moi. Pas ce qu’on pense de moi. Pas ce qu’on attend de moi. Juste… moi. »

Détruire le masque
Un couloir sombre.
Des portes entrouvertes. La poussière dans la lumière.
Je marche. Le temps s’alourdit.
Une porte. Une pièce vide. Un miroir.
Mon reflet me fixe.
C’est mon moi public : lisse, vide, toujours en quête du regard des autres.
Un masque tellement parfait qu’il en devient invisible.
Il m’ouvre les bras.
Je tends la main.
Mais au lieu de le rejoindre, je frappe.
Le miroir explose en mille morceaux.
— Je ne suis pas toi. Je suis moi. Et pour me trouver, je dois d’abord te détruire.



