Résumé de l’histoire :
Pour son anniversaire, Yuta Ito reçoit un smartphone de sa mère mourante. Peu de temps après, elle lui demande de la filmer et de monter un film au cas où elle décéderait. Après la mort de sa mère, Yuta présente le film à son école, mais il est confronté à des moqueries car la dernière scène montre un hôpital explosant. Intimidé et ostracisé, Yuta est heureusement rejoint par une fille nommée Eri, qui lui dit qu’elle a adoré son film et lui demande d’en faire un autre. Ils travaillent ensemble pour le réaliser, en alternant entre la production et le visionnage de divers films pour trouver l’inspiration et apprendre. Ils décident de tourner un semi-documentaire sur eux-mêmes, avec des éléments exagérés et fictifs, notamment l’idée qu’Eri est un vampire.
Une impression de déjà vu :
Si vous avez lu la première partie de ce post (et je vous en remercie), vous savez à quel point le thème du cancer d’une mère me touche personnellement. Mais pour faire comprendre pourquoi ce livre me parle tout particulièrement, je vais devoir spoiler. Si tu veux vraiment découvrir cette histoire par toi-même, je te propose de revenir plus tard.
Pour commencer, je m’identifie beaucoup au personnage de Yuta. Un doux rêveur qui cherche à échapper à la réalité en la filtrant à travers une caméra et qui apporte une touche de fantaisie à un monde triste.
L’histoire est émouvante sans être trop sentimentale. Il m’est même arrivé de réagir à des situations que j’avais moi-même vécues et qui m’avaient déplu à l’époque. Comme ce passage, au début du livre, après que Yuta a présenté son film. Comme vous l’avez vu dans le résumé, le film se terminait avec notre héros qui s’échappe de l’hôpital avec une image d’explosion. La réaction du professeur m’a choqué, car il n’a rien trouvé de mieux que de gifler Yuta. D’après lui, le film était un manque de respect envers sa mère. Mais comme certaines personnes lors de l’enterrement de ma mère qui trouvaient choquant que l’on se rappelle de vieux souvenirs en rigolant, le professeur n’a pas à dire comment on doit réagir à ce moment-là. Ce n’est pas lui qui a perdu une personne et il ne la connaissait pas. Il n’a pas à imposer sa vision du respect. Car si nous rigolions en racontant de vieux souvenirs, c’est parce que c’est ce qu’elle voulait, un départ dans la joie. Tout comme Yuta qui n’a pas voulu finir dans la tristesse et la dépression, mais dans l’imagination.
Une imagination débordante :
Car oui, la force de cette histoire est son héros et son imagination débordante. Comme le dit son père dans le livre, Yuta a toujours rajouté de l’imagination dans toutes ses créations. Et son film, « Dead explosion mother », ne fait pas exception. Car ce final explosif n’avait qu’un but pour notre héros, sortir de cette dure réalité et détruire ce qu’il ne voulait pas voir. C’est souvent le but de la création et de l’imagination, imaginer le monde comme notre cerveau en a besoin et non comme il est en réalité. À nouveau, je m’identifie tellement à ce personnage, avec ma tendance à laisser mon esprit se perdre en marchant dans une simple rue et qui devient le théâtre d’une course poursuite ou d’une invasion extraterrestre.
Mais la force de ce one shot de Tatsuki Fujimoto, au-delà de son personnage principal, est bien sûr le personnage d’Eri et ce qu’elle représente. Une femme fatale exigeante et passionnée qui n’est que la représentation de l’art. Car l’art et surtout le cinéma sont des éléments principaux de cette histoire.
En effet, avec son style contemplatif et millimétré, Tatsuki Fujimoto donne un style très cinématographique à son œuvre. Mais le 7e art n’est pas présent que dans le style, mais aussi dans le fond.
Eri ou l’art du cinéma :
Le personnage d’Eri arrive tel un ange gardien au moment fatidique de la vie de Yuta. Arrivant au moment où il allait faire une grosse connerie, elle va lui redonner espoir.
Comment ? En lui faisant prendre conscience que, comme tout artiste, son message n’a pas été compris par tout le monde. Que pour progresser et approfondir son style, il doit regarder énormément de films pour faire sa culture et trouver de l’inspiration. Le livre dépeint très fidèlement le problème d’un artiste, l’incompréhension de son message, le sens caché. Mais le manga ne traite pas le cinéma que dans son scénario, mais également dans ses plans et sa mise en page. Il n’est pas rare de voir un plan durée sur plusieurs pages pour créer un ambiance et jouant justement sur la valeur du plan pour créer de la mise en scène. Adieu Eri transpire l’amour du cinéma autant sur la forme que sur le fond.
L’imagination pour fuir la réalité :
Une des forces de Adieu Eri est de transmettre avec justesse la force d’un film, d’un montage, d’une vision. Car le public du collège qui découvre « Dead explosion mother » est choqué par le traitement de Yuta. Ce manque de respect d’un enfant qui, au lieu de respecter la maladie de sa mère, préfère fuir illuminé par une explosion fictive. Mais le plus gros trucage du film n’était pas l’explosion mais la mère. En effet, un montage, une réalisation ne montre que le message que le réalisateur veut faire passer. Car une fois la camera coupé, la réalité continu, elle.
La mère de Yuta n’est qu’une égoïste opportuniste. Travaillant à la télévision et voulant créer du contenu gratuit grâce à sa propre maladie, elle n’hésite pas à demander à son fils de la filmer tout en l’insultant. Son but n’était pas de laisser un bon souvenir à sa famille et continuer à vivre après sa mort, mais d’avoir du contenu à monnayer. C’est affreux et pourtant, Yuta, grâce à son montage, réalise le souhait de son père sans le savoir, laisser un souvenir positif de cette mère pourtant ignoble.
C’est d’ailleurs ce que recherche aussi Eri qui est, on l’apprend bien plus tard, dans la même situation que la mère de Yuta : Elle est mourante.
Mais elle veut, elle aussi, laisser un bon souvenir à ses connaissances. Mais à la différence de la mère de Yuta, elle l’accompagne et le forme pour faire un film bien plus maitrisé et touchant.
Une fin à l’image du livre :
Contrairement à ce que je pensais, le livre ne s’arrête pas après la mort d’Eri et la diffusion de leur film, cette fois bien reçu.
En effet, le livre continue de raconter la vie de Yuta, une vie toujours aussi dramatique, malheureusement. Depuis la diffusion du film, il passe son temps à retoucher le montage, comme s’il lui manquait quelque chose. Et cette chose, il va la trouver après un événement à nouveau déchirant : il perd toute sa famille dans un accident de voiture, il est seul. Alors qu’il allait à nouveau abandonner, il retourne dans le bâtiment où Eri et lui regardaient en boucle des films pour parfaire son éducation. Mais quelle ne fut pas sa surprise en voyant Eri sur le canapé en train de regarder un film! Eri était vraiment un vampire. Elle voulait que Yuta réalise un film sur sa fin, car elle perdait la mémoire à chacun de ses retours à la vie, et le film était là pour lui redonner des souvenirs de sa vie d’avant. Yuta finit par comprendre pourquoi il recommençait sans cesse le montage de son film et finit par quitter le bâtiment qui explose, bien sûr.
Je n’ai rien compris
Tu ne comprends plus rien à la fin? Et bien tu étais dans le même état que moi à la première lecture. Sûrement trop fatigué pour comprendre que je me faisais piéger par le livre, j’ai pris la fin au pied de la lettre. C’est à la seconde lecture que j’ai compris. Tout ceci se passe dans la tête de Yuta : Eri est morte depuis longtemps. Mais à nouveau désespéré, son souvenir lui donne la raison pour laquelle il n’avait jamais tourné la page ; le final est trop réaliste, aussi bien celui de la mort d’Eri que la vie de Yuta d’ailleurs. Il manquait l’imagination qui caractérise notre héros. Yuta ne pouvait finir le montage de son film sans rajouter la part d’imagination. Une part d’imagination qu’il avait volontairement oubliée pour plaire au public. Il en est de même pour sa vie : il doit accepter son imagination et non la censurer. Yuta doit finir son histoire dans une explosion, le dernier dessin du livre. Et là j’ai enfin compris le message de cette fin perturbante.
Yuta avait oublié son imagination. Il avait vécu une vie classique qui ne le passionnait pas, a tout perdu et comprend enfin son erreur. Il est redevenu lui-même en comprenant que son imagination devait faire partie de sa vie.
Mon avis sur “Adieu Eri” :
Si au commencement, c’était le thème de la perte d’une mère qui m’avait attiré, j’ai finalement adhéré pour autre chose. Ce livre est une ode à l’amour du cinéma et à l’imagination. Chaque planche transpire le cinéma, dans sa mise en scène comme dans son ambiance. Même si le support du manga n’est pas toujours parfait pour certaines idées de mise en scène, comme le fait d’avoir plusieurs pages avec le même dessin répété à chaque fois pour donner une impression de durée. Si le cinéma peut étirer un plan pour nous faire ressentir sa durée, dans un manga nous avons juste tendance à tourner rapidement les pages.
Niveau dessin Tatsuki Fujimoto n’a plus rien à prouver depuis longtemps, c’est techniquement et artistiquement sans faute.
En conclusion, Adieu Eri est un manga qui nous fait réfléchir sur notre rapport à l’imagination et à l’art. Il nous rappelle que l’imagination est une composante essentielle de notre vie et qu’il ne faut jamais cesser de rêver, même face aux épreuves les plus difficiles. Ce manga est une ode à l’imagination et au cinéma, avec une mise en scène millimétrée et un personnage attachant qui nous fait vibrer à chaque page. C’est un livre à lire et à relire pour en découvrir toutes les subtilités.
Merci de m’avoir fait découvir ce manga
Je comprends mieux le rapport avec ta mère
J’avais pas compris la fin