Aujourd’hui, j’aimerais mieux que le temps s’arrête
Hier, j’avais quinze ans, avant-hier, j’avais cinq ans
J’ai du mal à croire qu’on soit déjà maintenant, déjà maintenant
J’aimais mieux l’monde quand j’avais tout le monde dedans
Laisse-moi revenir en arrière
Quand le monde était ma mère
C’était juste un jeu la guerre
J’aimais mon anniversaire
Je pouvais rester sans rien faire
Sans en faire un enfer
Quand j’avais mes grands-pères
Partie d’foot avec mon frère
Je parlais à tort et à travers
Sans offenser la terre entière
Quand j’avais des points de repère
Voici quelques lignes de “mini-san”, une chanson d’Orelsan que j’adore. Cette chanson nous rappelle à quel point la nostalgie est puissante et que, même si notre enfance n’était pas parfaite, avec le temps, on ne se souvient que des bons moments.
Qui n’a jamais rêvé de pouvoir revivre son enfance, qui n’a jamais rêvé de changer son histoire, qui n’a jamais rêvé de revoir sa famille au complet. Orelsan en rêvait sûrement en écrivant sa chanson, mais Hiroshi Nakahara, lui, l’a vécu dans « quartier lointain ».
Laisse-moi revenir en arrière :
« Quartier lointain » est un manga de Jirô Taniguchi racontant l’histoire d’Hiroshi Nakahara, un homme d’affaires japonais qui, après avoir raté son train pour rentrer chez lui, se retrouve mystérieusement transporté dans sa ville natale de 1964. Là-bas, il rencontre ses parents et ses amis. Avec son regard d’adulte, Hiroshi va essayer de comprendre les choix de sa propre vie et surtout de changer un élément important de son histoire : la disparition de son père.
Quand le monde était ma mère :
“Quartier lointain” n’est pas une histoire très originale raconté comme ça. Mais l’important n’est pas l’histoire elle-même, mais comment on la raconte. Jirô Taniguchi décide de traiter son livre de manière extrêmement humaine et réfléchis.
Notre héros a la chance de pouvoir vivre une expérience que tout le monde voudrait vivre. Mais une fois l’euphorie passée, c’est la disparition de son père qui devient son objectif principal. Mais alors que dans la plupart des histoires, l’auteur auraient joué l’urgence, ici ça n’est pas le cas. En effet, la disparition de son père n’arrivant que plusieurs mois plus tard, Hiroshi a le temps de revivre son enfance. Et l’originalité de cette histoire d’adolescent, c’est de le traiter avec un regard d’adulte. Notre héros sait déjà la souffrance que va vivre sa mère et sa sœur. Et si, dans d’autre histoire le héros aurait essayé de changer son histoire, ici Hiroshi va d’abord essayer de comprendre le choix de son père. Il va faire une chose qu’aucun enfant n’aurait fait, mettre son nez dans les histoires de famille.
Quand j’avais mes grands-pères :
Et c’est là que cette histoire mérite d’être racontée. Quand nous sommes enfants, nous ne pouvons pas comprendre les histoires de famille, et encore moins les choix qui en découlent. Cela nous semble normal d’avoir son père et sa mère auprès de soi, mais est-ce vraiment leur choix d’être ici ? Vivent-ils vraiment leur vie ou celle d’un autre ? C’est ce que Hiroshi va découvrir au fil de son voyage dans le temps.
Mais notre héros va aussi découvrir à quel point le temps nous a fait vieillir, autant intellectuellement que physiquement. Il va enfin retrouver le corps de ses 14 ans, avec sa souplesse et sa santé. Imagine le changement quand tu passes d’un corps de cinquantenaire vivant de clopes et d’alcool à celui d’un ado parfaitement sain. Hiroshi va aussi devenir un élève studieux car il sait à quel point certains éléments de son éducation scolaire lui ont fait défaut.
Bref, il profite de sa jeunesse comme une personne qui sait à quel point elle est précieuse.
Je parlais à tort et à travers :
Mais “Quartier lointain” parle aussi des côtés négatifs de ce genre d’expérience. Hiroshi a 50 ans dans sa tête et cela ne colle pas toujours avec la vie d’un adolescent. Je te rappelle que notre héros est porté sur l’alcool, ce qui n’est pas forcément une bonne idée avec un corps pur d’enfant. Autre sujet que l’on ne traite pas d’habitude dans ce genre d’histoire, la réaction physique d’un adolescent.
En effet Hiroshi revit son enfance, et donc ses premiers amours. Et comme tout adolescent qui voit une fille qui lui plaît en maillot de bain, son corps a des réactions. Hiroshi essaye de réfréner ses organes. La fille en face de lui voit son petit copain de 14 ans, mais lui voit une fille de l’âge de son propre enfant. Difficile quand ton corps te dit le contraire de ton cerveau.
Quand j’avais des points de repères :
Mais le thème principal reste quand même la famille et ce qu’ils nous transmettent. Autant le bon que le mauvais. Et c’est à nouveau une vraie réflexion sur un sujet qui concerne tout le monde.
Pourquoi avons-nous tendance à reproduire les erreurs de nos parents ?
C’est un sujet complexe qui ne trouve pas sa réponse dans le manga, mais qui a le mérité d’être posé. Combien d’entre nous ont souffert d’un élément de leur éducation, mais qui n’ont pas pu s’empêcher de le reproduire. Ou pire, combien de personnes évitent de vivre une vie de famille par peur de reproduire la violence qui les ont détruites durant leur enfance. La génétique, l’éducation et le milieu sont des éléments importants dans cet état de fait. Mais si le livre n’essaie pas donner de réponse, il montre pourtant que ce n’est pas inéluctable. En comprenant la décision de son père, Hiroshi va comprendre les erreurs de sa propre vie et décider que, non, abandonner sa famille n’est pas son destin. Ce n’est que le choix de son père, avec son histoire et son vécu.
Hier, j’avais quinze ans, avant-hier, j’avais cinq ans, j’ai du mal à croire qu’on soit déjà maintenant :
Pour résumer, « Quartier lointain » est un manga à la fois poignant et introspectif qui offre une réflexion sur des thèmes universels tels que la famille, le temps et le sens de la vie. Avec son style graphique réaliste et sa mise en scène soignée, Jirô Taniguchi nous invite à un voyage dans le temps aux côtés d’Hiroshi Nakahara, un personnage touchant qui nous pousse à nous interroger sur nos propres choix de vie.
Apprends-moi l’pardon la patience
Faut qu’on soit meilleurs qu’nos parents
Faut qu’on apprenne à désapprendre …
Évidemment c’est plus comme avant
Faut t’faire une raison c’est l’concept du temps
Le monde est en mouvement
Porte-moi dans l’courant
Orelsan “Civilisation”_
Si tu veux comprendre pourquoi j’ai réécrit cette critique tu peux le lire ici. Et si tu veux te faire mal, tu peux lire ma première critique de quartier lointain ici. Et si tu veux lire le manga, tu peux le trouver ici.
Enjoy.
un descriptif prenant et joliment crosier avec la chanson d’orelsan, bravo 👏
Merci beaucoup pour ta gentillesse 🙂 des biz.