Quand les souvenirs nous jouent des tours
Quand j’avais une quinzaine d’années, peut-être un peu plus, ma mère est venue me voir tout excitée avec une cassette vidéo entre les mains. Comme beaucoup de femmes des années 80-90, elle occupait son temps de ménage, notamment le repassage, devant la télévision. Ce jour-là, elle était particulièrement joyeuse, car elle avait déniché une cassette d’un film qui avait marqué son adolescence. Je ne me souviens plus exactement du titre, peut-être Saturday Night Fever ou un autre classique de cette époque. Elle était impatiente de retrouver les émotions qu’elle avait ressenties en le regardant des années plus tôt.
Quand devient-on « grand » ?
Nous avons tous dit un jour : Quand je serai grand…. Mais que signifie vraiment « être grand » ? Enfants, nous regardons les adultes comme s’ils étaient le produit d’une transformation magique, une sorte d’évolution digne des Pokémon. Un matin, nous serons adultes.
Mais à quel moment cela arrive-t-il ?
– À 18 ans ?
– Quand on quitte la maison de ses parents ?
– Quand on trouve un travail ?
Les œuvres restent, nous changeons
Bref, pour revenir à l’histoire de ma mère, le film, lui, n’avait pas changé. Une œuvre est généralement fixe, figée dans le temps (à l’exception des mises à jour pour les jeux vidéo ou des director’s cut pour certains films). En réalité, ce qui change, c’est le regard qu’on lui porte et les souvenirs qu’elle a laissés en nous.
Pour ma mère, ce film parlait peut-être de rébellion, de jeunesse, d’un monde qui résonnait avec celle qu’elle était à l’époque. Mais aujourd’hui, devenue une mère fervente catholique, avec de nouvelles valeurs et responsabilités, ce même film est entré en conflit avec la femme qu’elle est devenue.
La nostalgie, cette menteuse
En effert, la nostalgie, comme nous l’avons vu dans un précédent article, n’est pas une représentante fidèle de la réalité. Nous avons tendance à conserver uniquement les aspects positifs des bons souvenirs. Et quand la vie est plus morose, nous cherchons souvent à revivre ces moments, à retrouver ces émotions passées.
Mais voilà le problème : ces émotions étaient liées à un moment précis de notre vie, à un contexte unique. Et c’est normal, nous changeons tous : nos centres d’intérêt, nos cercles sociaux, nos valeurs.
Plus difficile encore à accepter : les souvenirs eux-mêmes ne sont pas toujours fiables. Mais cela, nous en parlerons dans un autre article.
Rester le même ou évoluer ?
Quand nous retrouvons de vieux amis après des années, il y a deux possibilités :
- Ils disent que nous n’avons pas changé, comme si le temps n’avait pas passé.
- Ils peinent à nous reconnaître, tellement nous avons évolué.
Si l’idée de rester « le même » peut sembler séduisante, cela implique souvent une stagnation. Évoluer, c’est accepter de se transformer, d’apprendre et de grandir.
« Changer, c’est la loi de la vie humaine. Celui qui regarde seulement le passé ou le présent est certain de manquer l’avenir. »