Encore un article publié. Comme à l’accoutumée, je le partage sur les réseaux sociaux. Quelques jours plus tard, je consulte les statistiques : 320 vues au moment où j’écris ces lignes. Ce n’est pas mon plus grand succès, certes, mais peu importe. Les chiffres n’ont jamais été ma priorité ; je les observe par simple curiosité. Pourtant, une chose m’inquiète : aucun commentaire, aucun partage, rien. Le dernier commentaire remonte à un an. Depuis, j’ai publié pas moins de neuf autres articles. Et toujours, ce même silence assourdissant.
Dans la vie, j’ai souvent l’impression de parler dans le vide, et il semble que cette sensation se prolonge sur internet. Alors, pourquoi persister ? Si j’écris, c’est pour partager quelque chose, mais si cela ne suscite aucune réaction, quel en est le sens ?
Je ne blâme personne. J’en viens même à penser que c’est peut-être ma faute. Lorsque mes proches me donnent leur avis, ils se contentent d’un « c’est bien » poli, sans jamais aller plus loin. Comment alors espérer que d’autres partagent mes articles si ceux qui me sont les plus proches ne le font pas ?
Ainsi, pour la première fois depuis longtemps, j’ai envie de tout arrêter.
Besoin de partager
Depuis très longtemps, j’éprouve un besoin viscéral de partager. Partager mes conseils, mes souvenirs, mes peurs, mes angoisses…
Parfois dans la vie, on ressent quelque chose au plus profond de soi. Pour moi, c’est créer. J’en ai besoin. J’ai besoin de montrer ma vision des choses, que ce soit en photo, en vidéo ou dans mes textes.
Alors, je saisis mon clavier et j’écris, je prends une photo ou je filme.
J’ai souvent l’impression qu’il y a une personne en moi qui crie, mais que personne ne l’écoute… pas même moi. C’est comme si j’avais mis mon esprit en double appel, je sais qu’il est là et qu’il veut me parler, mais je privilégie les autres.
Besoin de partager
Photo de Ekaterina Astakhova
Il faut prendre le temps de s’ennuyer
Chaque fois que je publie un nouveau texte, c’est comme une séance de psychanalyse. Il m’est impossible de créer un texte avec une IA. Chaque phrase que j’écris est la mienne, car personne ne peut exprimer mes messages mieux que moi. Et tout ceci me prend beaucoup de temps.
Et c’est ce qui me manque le plus, du temps.
Dans la vie quotidienne, il devient difficile de trouver le temps de s’arrêter, de s’ennuyer suffisamment pour que l’esprit puisse faire du rangement.
S’ennuyer à une connotation tellement négative. Dans l’esprit des gens, ce n’est pas normal de s’ennuyer. Nous avons un besoin maladif d’occuper notre esprit, que ce soit avec les smartphones ou la télévision. Notre cerveau doit recevoir des flots de contenu en boucle pour que l’on se sente vivant, et pourtant :
« L’ennui est un état d’esprit important qui soutient l’apprentissage et la créativité. »
- Dr. Teresa Belton, chercheuse en éducation et auteure de « Happier People Healthier Planet«
« L’ennui peut être un luxe et un catalyseur pour la créativité. »
Bref, le manque de temps pour m’ennuyer empêche mon esprit de créer. Heureusement, il y a beaucoup d’autres moments dans la journée pour avoir des idées :
Sous la douche, à vélo, en se couchant ou tout simplement en discutant.
Et mon esprit ne déroge pas à la règle, il trouve toujours un moment pour s’exprimer, même au moment où j’aurais besoin qu’il me laisse tranquille. Comme cette mauvaise mani de débarquer durant ma méditation journalière.
Mais puis je lui reprocher ?
Non bien sûr, il a besoin, comme tout un chacun d’être écouté.
L’ennui n’est pas un gros mot
Photo de Valeria Ushakova
Imagine une pièce insonorisée
Pourquoi les gens créent-ils ?
Car les gens ont besoin d’exprimer leurs pensées, leurs émotions. À travers la création, on partage une partie de soi-même avec le monde. Cela permet aussi de communiquer et dans l’échange, découvrir que l’on n’est pas seul à vivre certaines choses. Et c’est la raison pour laquelle je pense de plus en plus à arrêter : l’échange. Comme dit plus haut, je n’ai aucun échange et c’est dur quand on ouvre ses pensées, car on a l’impression que les gens les ignorent.
Imagine-toi dans une pièce insonorisée. Tu as des choses à dire, tu vois le monde à travers les fenêtres, mais personne ne te remarque. On ouvre parfois la porte pour te demander un service, mais lorsque tu as fini, on referme la porte et à nouveau, tes mots n’ont plus de portée.
Frustrant, n’est-ce pas ?
C’est d’autant plus frustrant qu’on vit une époque extraordinaire pour le partage créatif. Il suffit de prendre son smartphone pour diffuser sa musique, ses films ou ses écrits aux quatre coins du monde. C’est sans doute le meilleur moment pour partager ses créations, mais paradoxalement aussi le pire.
Comme je l’ai évoqué dans mon texte Factfulness : ne pas voir les choses dans leur ensemble, nous vivons à l’ère de l’attention. Une époque où l’enjeu n’est plus d’informer, mais d’accaparer l’attention avec toujours plus de contenu.
Alors, forcément, il est difficile pour quelqu’un comme moi de se faire remarquer dans ce bruit constant. Et malheureusement, je ne suis pas le seul.
Comme dans un bocal
Photo de Sami Abdullah
Quand il y a une personne
En tant que père, je pense que la meilleure façon de réussir notre rôle, ce n’est pas d’apprendre à un enfant ce qu’il doit faire, mais de lui montrer l’exemple. Je pense toujours qu’un enfant sera plus réactif et motivé en regardant les actions de ses parents plutôt qu’en écoutant leurs paroles.
Quand mon fils m’a demandé ce que c’était pour moi d’être un bon père, je lui ai dit que c’était de montrer l’exemple, montrer les possibilités, montrer des chemins et apprendre à l’enfant à les emprunter en se trompant pour trouver la meilleure route pour lui, tout en sachant que malgré tout, les parents n’étaient jamais trop loin.
Et c’est justement mon fils qui me donne envie de continuer. En effet, depuis qu’il lit mes textes, je vois un changement en lui. Il prenait comme exemple des youtubeurs connus pour faire des sketchs sur sa chaîne, je vois dans ses vidéos et ses écrits, que le ton a changé. Il essaye toujours de faire rire, mais comme moi, il essaye aussi de faire naître des émotions et de faire réfléchir.
Alors non, je n’ai pas de commentaire sous mes écrits, non ils ne sont pas partagés. Mais si malgré tout je peux avoir influencé une personne (et encore plus mon fils), c’est que tout ce travail en vaut la peine.
Et peut-être qu’un jour, ce sera mon fils qui fera lire mes quelques lignes à son enfant en lui disant:
« Ton grand-père n’a pas choisi ma route, mais c’est lui qui me l’a éclairée ».